A votre écoute: Contactez moi

Adresse:
14, rue Margueritte
75017 PARIS

Téléphone: 06 81 99 72 81
Télécopie : 01 53 04 93 94

Maître Yoram Leker
Email : contact@leker-avocat.fr

 

question-avocat

Venir au Cabinet

 

localisez-le-cabinet 

Oeuvre de l'esprit, quelque chose qui cloche

Les décisions des juridictions administratives ne sont pas courantes en matière de propriété intellectuelle.

La Cour administrative d'appel de Lyon a eu l'occasion de se prononcer le 5 avril 2012 sur la question de la définition d'une œuvre de l'esprit s'agissant d'un carillon. Le Tribunal administratif de Grenoble avait refusé cette qualification en première instance, au motif qu'il était le résultat des interventions successives de plusieurs professionnels.

La question de la qualification se posait en l'occurrence car la procédure d'attribution de marché à suivre était différente pour la commune de Taninges qui pouvait se dispenser de la mise en concurrence prévue par le code des marchés publics dans le cas d'œuvres de l'esprit. D'autre part, la commune avait installé plusieurs cloches provenant de la fonderie requérante, avant de se fournir chez un autre fondeur d'où, selon l'appelante, une dénaturation de son œuvre.

La société de fonderies de cloches attributaire du marché initial contestait donc la décision du tribunal, arguant que par sa sonorité et son timbre, le carillon de Taninges présentait une originalité qui en fait une œuvre de l'esprit répondant aux conditions posées par les articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. Le fondeur des cloches en concluait qu'en faisant appel à un autre facteur, la commune avait porté atteinte à l'homogénéité de l'œuvre et donc à sa personnalité et au droit moral de l'auteur, aucun fondeur concurrent ne pouvant reproduire la sonorité des cloches originales.

La Cour administrative d'appel rappelle, en premier lieu, que, quand bien même les cloches constitueraient une œuvre de l'esprit, la dispense de la procédure de mise en concurrence ne constituait qu'une faculté pour la commune. Quant à la question de la propriété artistique, la Cour estime qu'elle se limite aux cloches elles-mêmes, et que l'adjonction de nouvelles cloches ne saurait avoir pour effet d'altérer le timbre des cloches déjà installées, si bien que la commune n'a pas porté atteinte au droit de propriété artistique du fondeur initial.

nullité d'assignation et saisie-contrefaçon

Par un arrêt du 5 avril 2012 la Cour de cassation à confirmé la nullité d'une assignation en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur pour absence de motivation suffisante selon les termes de l'article 56 du Code de procédure civile.

Une société de bijoux fantaisie reprochait à un grand magasin parisien d'avoir reproduit servilement les caractéristiques d'une vingtaine de bijoux dont elle détenait les droits sur le fondement du droit d'auteur.

La demanderesse soulignait qu'il n'était pas nécessaire au stade de l'assignation de procéder à une description détaillée des modèles revendiqués et qu'en tout état de cause la reproduction photographique des modèles équivalait à une description littéraire. Elle ajoutait que le succès attesté par des coupures de presse produites suffisait à établir l'originalité des modèles revendiqués qu'il n'était pas utile de développer à ce stade de la procédure. De plus, selon la demanderesse, la requête en saisie-contrefaçon contenait un tableau synoptique mettant en regard les références contrefaisantes avec les modèles contrefaits, si bien que la défenderesse disposait de tous les éléments nécessaires pour formuler ses observations en défense.

C'est insuffisant répond la Cour de cassation. L'assignation renvoyant simplement aux photographies des modèles annexés des modèles opposés et la seule lecture des pièces jointes ne permettait pas de déterminer la nature et le nombre des articles incriminés. Les caractéristiques de chacun des modèles revendiqués au titre du droit d'auteur n'étaient pas définies et les modèles argués de contrefaçon ni décrits ni même identifiés. Dans ces conditions, le pourvoi est infondé.

Cette décision ne manquera pas d'être invoquée par les défendeurs aux actions en contrefaçon. Car les conséquences de la nullité de l'assignation sont lourdes, puisqu'elle entraîne la nullité de la saisie-contrefaçon, faute d'assignation valable dans les délais requis. Or, il est à craindre qu'une nouvelle saisie-contrefaçon effectuée plusieurs mois après la saisie initiale ne produise aucun effet, les articles litigieux ayant disparu des vitrines tout comme des stock du grand magasin.

contrefaçon sur Internet et compétence nationale

La Cour de cassation était appelée à se prononcer sur une question intéressante le 5 avril dernier.

Un auteur compositeur interprète ayant découvert que ses chansons avaient été reproduites sans son autorisation sur un CD pressé en Autriche et commercialisé par une société britannique sur différents sites Internet accessibles en France depuis son domicile toulousain, il avait fait assigner la société autrichienne devant le Tribunal de grande instance de Toulouse afin d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de ses droits d'auteur.

La Cour d'appel avait déclaré la juridiction française incompétente ce que contestait l'auteur compositeur qui invoquait l'article 5-3 du règlement (CE) du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui dispose qu'en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

La Cour de cassation relève que la Cour de justice des Communautés européennes a tranché la question du "lieu où le fait dommageable s'est produit" en matière de diffamation : la victime peut poursuivre l'éditeur devant l'Etat du lieu d'établissement de l'éditeur compétente pour réparer l'intégralité du dommage résultant de la diffamation, ou les juridictions de chaque Etat dans lequel la publication a été diffusée compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'Etat de la juridiction saisie.

En matière de marque, la CJUE a également été saisie et a jugé (L'Oréal / eBay 12 juillet 2011) que "la simple accessibilité d'un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente y affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire" et "qu'il incombe aux juridictions nationales d'apprécier au cas par cas s'il existe des indices pertinents pour conclure que l'offre est destinée à des consommateurs situés sur ce territoire".

Enfin, en matière de droit de la personnalité, la CJUE a répondu (25 octobre 2011) que la personne lésée a la faculté de saisir d'une action en responsabilité, au titre de l'intégralité du dommage causé, soit la juridiction de l'Etat membre du lieu de l'établissement de l'émetteur, soit les juridictions de l'Etat dans lequel se trouve ses centres d'intérêts, soit devant la juridiction de chaque Etat sur le territoire duquel le contenu est accessible mais en ce cas pour connaître du seul dommage causé sur ce territoire.

 

C'est pourquoi, estimant que le litige qui lui est soumis ne relève d'aucune des hypothèses ci-dessus, la Cour de cassation renvoie l'affaire à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre au questions suivantes :

 

1) L'article 5, point 3 du règlement (CE) du 22 décembre 2000, doit-il être interprété en ce sens qu'en cas d'atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d'auteur commise au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet,

- la personne qui s'estime lésée a la faculté d'introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l'a été, à l'effet d'obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre de la juridiction saisie,

 

ou

 

- il faut, en outre, que ces contenus soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet Etat membre, ou bien qu'un autre lien de rattachement soit caractérisé.

 

Il reste désormais à attendre la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, pour être fixé. 

 

coauteurs et œuvre audiovisuelle

L'article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle présume coauteurs d'une œuvre audiovisuelle l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour l'œuvre et le réalisateur.

Les auteurs de la musique et des paroles d'une série télévisuelle enfantine avaient assigné le producteur en contrefaçon pour avoir fait éditer l'œuvre en question sous la forme d'une collection de DVD, en méconnaissance de leurs droits.

La cour d'appel a déclaré leur action visant à la défense de leurs droits patrimoniaux irrecevable, faute par eux d'avoir appelé dans la cause l'ensemble des coauteurs. L'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle dispose en effet que "l'œuvre de colalboration est la propriété commune des coauteurs" lesquels "doivent exercer leurs droits d'un commun accord".

Devant la Cour de cassation, les auteurs de la musique et des paroles arguaient qu'ils étaient au sens de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle les auteurs d'une œuvre musicale propre et de ce fait recevables à agir, peu importe le mode de diffusion de l'œuvre. Ainsi leur qualité ne pouvait se réduire à celle de coauteurs de l'œuvre audiovisuelle. 

Par son arrêt du 22 mars 2012, la Cour de cassation met un terme à la procédure. Les conventions produites démontrent que les comptines avaient été spécialement conçues pour être associées aux images, peu important que celles-ci fussent préexistantes, et constituaient avec elles des œuvres audiovisuelles. Dès lors, l'action était bien subordonnée à la mise en cause de l'ensemble des coauteurs.

décoration, contrefaçon de droit d'auteur (non)

Une société de décoration d'intérieur que je représentais s'était vue reprocher, par une société concurrente, la copie de deux stickers représentant une ombre végétale ainsi qu'une décoration à suspendre en forme de papillon.

En première instance, le Tribunal avait rejeté la contrefaçon au motif qu'il ne se dégageait pas des objets décoratifs de la défenderesse une impression d'ensemble identique. Il avait en revanche retenu des actes de parasitisme au titre des deux premiers articles décoratifs représentant une ombre végétale, ce que la demanderesse avait néanmoins considéré insuffisant si bien qu'elle avait interjeté appel du jugement.

Mal lui en a pris : le 20 janvier dernier, la Cour d'appel a tout d'abord confirmé l'absence de contrefaçon, mais en motivant le rejet non pas du fait de l'absence "d'impression d'ensemble", indifférente en droit d'auteur, mais bien du fait que les caractéristiques originales des dessins dont la protection était revendiquée n'étaient pas reprises par les objets décoratifs de l'intimée.

Mais la Cour d'appel a même infirmé la condamnation prononcée par le Tribunal au titre du parasitisme, accueillant ainsi l'appel incident de l'intimée. Elle relevait, selon une jurisprudence constante, que "la commercialisation d'un même produit selon des modalités différentes n'est que l'exercice de la libre concurrence ; que quand bien même les articles de décoration intérieure commercialisés par la société intimée seraient identiques à ceux de l'appelante, cette seule constatation ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale". De plus, en l'espèce, tout risque de confusion était exclu et "l'absence de démonstration de la captation illicite d'une valeur économique" commandaient de rejeter les prétentions de l'appelante et d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu des actes de parasitisme à l'encontre de l'intimée.

Après le parasitisme, la contrefaçon

La société Mariage Frères reprochait à la société Guildinvest d'avoir imité la présentation de ses coffrets à thé en commercialisant ses lunettes dans un coffret contenant deux étuis métalliques.

Le Tribunal de Grande Instance avait rejeté la demande, fondée sur la seule notion de concurrence déloyale en l'espèce les agissements parasitaires reprochés au lunetier. En appel, Mariage Frères se prévalait pour la première fois du droit d'auteur pour faire valoir son point de vue.

Dans son arrêt du 8 mars 2012, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal, jugeant que les coffrets à thé qui se présentent sous la forme d'un double conditionnement intégré comprenant d'une part un coffret de forme rectangulaire de couleur noire traversé en son centre de trois lignes rouges, d'autre part à l'intérieur de deux ou trois tubes de métal gris clair habillé d'une étiquette de couleur pastelle... les tubes étant fermés par un capuchon gris clair, ne répondent pas à un impératif technique ou fonctionnel. Par leur volume, leur proportion et leur forme, ils présentent un aspect esthétique propre et original qui signe l'empreinte de la marque et mérite protection au titre du droit d'auteur. L'intimée se voit ainsi condamnée au titre de la contrefaçon du droit d'auteur mais également du parasitisme. La Cour considère en effet qu'à la contrefaçon s'ajoute l'adoption d'une politique de communication publicitaire inspirée de la démarche commerciale de l'appelante.

Au passage, l'arrêt rappelle que la demande au titre du droit d'auteur formée pour la première fois en appel ne constitue pas une prétention nouvelle et par tant irrecevable, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge sur le fondement de la concurrence déloyale.

Auteur et producteur, l'arrêt Luksan

L'arrêt Luksan, rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 9 février dernier, a déjà fait l'objet de multiples analyses et commentaires.

La juridiction européenne était chargée de répondre à une question préjudicielle autrichienne relative aux droits de l'auteur et du producteur d'un film.

Pour simplifier les questions complexes qui se posaient, il s'agissait avant tout de savoir si une disposition nationale prévoyant que les droits d'exploitation exclusifs de reproduction reviennent originairement au producteur et non pas à l'auteur était conforme aux normes européennes, notamment à la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, selon laquelle ces droits d'exploitation reviennent a priori à l'auteur de l'œuvre cinématographique.

La Cour conclut que ces droits d'exploitation reviennent de plein droit directement et originairement au réalisateur principal. Par conséquent, la législation nationale autrichienne attribuant de plein droit lesdits droits d'exploitation au producteur de l'œuvre n'est pas conforme et donc censurée.

Les Etats membres restent libres d'établir une présomption de cession au profit du producteur de l'œuvre cinématographique à la condition qu'une telle présomption ne soit pas irréfragable, c'est-à-dire qu'elle laisse la possibilité pour l'auteur de l'œuvre d'en convenir autrement.

Par ailleurs, l'auteur de l'œuvre cinématographique doit bénéficier, de plein droit, directement et originairement, du droit à la compensation équitable prévue par la directive 2001/29 au titre de l'exception dite "de copie privée".

la preuve de la qualité de coauteur

La société Studiocanal a édité deux DVD reproduisant un certain nombre de sketches initialement diffusés sur Canal+ dans l'émission "Nulle part ailleurs".

Soutenant être coauteur des textes de ces sketches, Albert Algoud a fait assigner Studiocanal, la SACEM et SDRM à fin de voir notamment reconnaître sa paternité sur les œuvres en cause.

La Cour d'appel lui avait donné raison au terme d'un arrêt en date du 1er octobre 2010 que vient de confirmer la Cour de cassation le 23 février dernier.

Selon le pourvoi, la preuve de la qualité d'auteur ne peut résulter que d'un apport personnel créatif qu'il appartient à celui qui l'invoque d'établir. D'autre part, la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou les concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés.

Les premiers juges avaient fait jouer la présomption de l'article 113-1 du CPI selon laquelle "la qualité d'auteur appartient à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée", car le nom d'Albert Algoud figurait sur la jacquette et les disques des DVD. Mais la Cour d'appel n'a pas retenu cette présomption de l'article 113-1 du CPI, car le nom du demandeur ne figurait pas dans le générique lors de leur télédiffusion, c'est-à-dire lors de leur divulgation à proprement parler. Dès lors, Monsieur Algoud ne pouvait bénéficier de la présomption, ce qui ne l'empêchait pas de prouver sa qualité de coauteur, ce qu'il avait fait en versant des contrats de cession de droits d'auteurs signés avec Canal+ lui confiant l'écriture des sketches, ainsi que la mention de sa qualité de coauteur sur les bulletins de déclaration à la SACEM ou encore des extraits d'un documentaire dans lequel il apparaît comme coauteur des sketches litigieux.

La Cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision de lui reconnaître cette qualité.

contrefaçon et indemnisation du préjudice

Par un arrêt du 4 janvier 2012, la Cour d'appel de Paris a fait application de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que :

"Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives dont le manque à gagner subis par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte."

Dans cette affaire, une société avait reproduit sans autorisation des peintures et dessins, puis refusé de communiquer à l'expert désigné dans le cadre de la procédure les pièces et documents relatifs à la commercialisation des copies.

L'expert a déposé dans ces conditions un rapport expliquant qu'il n'était pas en mesure de répondre aux questions posées dans le cadre de sa mission.

Aussi, à défaut d'éléments leur permettant d'évaluer l'ampleur de la contrefaçon, les premiers juges, confirmés par la cour d'appel, ont fait application du deuxième alinea de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et procédé à l'évaluation forfaitaire du préjudice subi par le peintre, non sans avoir relevé que le rapport d'expertise mettait en évidence la réalité d'une exploitation commerciale dissimulée.

droit d'auteur et jeu vidéo

Le 30 novembre dernier, la mission parlementaire chargée d'étudier le statut juridique du jeu vidéo a déposé son rapport qui conclut au caractère inopportun, en l'état, de l'élaboration d'un statut propre au jeu vidéo.

La mission rappelle les différentes options retenues pour qualifier le jeu vidéo et leurs faiblesses.

Ainsi, la qualification d'œuvre logicielle ne convient pas, le jeu video ne se réduisant pas à sa partie logicielle. De même, l'œuvre audiovisuelle, bien que sa dimension prime de plus en plus sur la dimension logicielle, s'avère être une qualification risquée car insuffisante. L'œuvre collective quant à elle, très pratiquée, court le risque d'une requalification, car le jeu vidéo est rarement développé par un studio intégré à une maison d'édition tenant le rôle de "directeur" du projet, mais plus souvent par des studios indépendants. De plus, il est généralement possible d'attribuer un droit d'auteur distinct à chaque contributeur, car la plupart du temps les auteurs déterminants se distinguent, tels les scénaristes ou "game designer".

La mission opte pour la qualification d'œuvre de collaboration, comme étant la plus adéquate et la plus sûre juridiquement, c'est-à-dire celle à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques co-auteurs.

Après avoir rappelé que les règles régissant le statut jeu vidéo sont jurisprudentielles, la mission cite l'arrêt "Cryo" rendu en 2009 par la Cour de cassation, qui qualifie le jeu video "d'œuvre complexe, qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature". Ainsi, sa partie logicielle est régie par le droit d'auteur spécial du logiciel et les autres aspects, notamment audiovisuels, graphiques et sonores, par les règles générales du droit d'auteur.

Le rapport s'intéresse à la pratique des entreprises de jeu vidéo, pour constater que, souvent, elles ne respectent pas le droit (cessions inexistantes, rémunération proportionnelle écartée) mais que malgré tout le contentieux est rare en la matière.

Des pistes sont esquissées pour réduire les risques juridiques mais la création d'un statut spécifique est écartée, d'autant qu'il n'en existe pas dans les différents Etats de l'Union européenne. D'autre part, les professionnels rencontrés y sont défavorables, craignant qu'une multiplication des régimes soit la source d'un accroissement du contentieux.

Enfin, les sociétés de droits d'auteur voient dans la création d'un régime particulier une brèche menaçant le système français de droit d'auteur face au régime anglo-saxon du copyright.

Droit moral excessif

Par un arrêt du 1er décembre 2011, la cour de cassation a statué sur l'épineuse question du refus d'authentification d'une œuvre par les héritiers d'un peintre et de son insertion dans le fameux catalogue "raisonné".

Un galeriste souhaitant procéder à la vente d'une dizaine de tableaux d'un artiste, décédé en 1960, avait sollicité sa veuve en vue de leur authentification.

Cette dernière s'y étant refusée, le galeriste avait fait expertiser les tableaux puis assigné la veuve et l'auteur du catalogue "raisonné" pour voir reconnaître judiciairement leur authenticité, et voir ordonner leur inscription au fameux catalogue.

Au terme d'une nouvelle expertise, la cour d'appel avait déclaré les œuvres authentiques et enjoint à l'auteur du catalogue raisonné de les y insérer.

Le pourvoi reprochait notamment à la cour d'appel d'avoir violé l'article 10.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sur le droit d'expression, aucun texte ne permettant de condamner l'auteur d'un catalogue raisonné à insérer une œuvre dont il conteste l'authenticité.

Mais la cour de cassation rappelle justement que l'établissement d'un catalogue "raisonné", présenté comme répertoriant l'œuvre complète d'un peintre, doit répondre à un impératif d'objectivité et que l'authentification judiciaire des œuvres justifiait cette insertion forcée qui n'implique pas l'adhésion de l'auteur de l'ouvrage ou des héritiers du peintre.

Oeuvre originale - affaire Giacometti

Dans un arrêt rendu le 1er décembre 2011, la Cour de cassation a jugé que les plaques de zinc utilisées pour permettre la producion de lithographies à partir de dessins de Giacometti ne pouvaient être qualifiées d'œuvres de l'esprit.

La Fondation Giacommetti avait fait saisir les deux plaques de zinc utilisées en 1954 pour la réalisation de deux lithographies intitulées "buste dans l'atelier" et "au café", lors de leur vente par une galerie au prix unitaire de 150 000 €.

La Fondation invoquait le fait que, même si elles n'avaient pas été réalisées personnellement par l'artiste et constituent une matrice permettant la production des œuvres lithographiques, les plaques de zinc, par transfert et impression, sous le contrôle de l'artiste, du dessin qu'il a créé sur papier, incorporent le dessin sous une forme inversée, et portent en conséquence l'empreinte de sa personnalité. Elle doivent donc, selon la Fondation Giacometti, être considérées comme une œuvre créée par l'artiste sous une forme distincte.

Non, répond la Cour de cassation, reprenant les termes de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris : "le procédé de dessin par report sur plaque de zinc exigeait la présence du technicien, avec éventuellement celle de l'auteur si celui-ci voulait suivre les différentes étapes permettant la réalisation de la lithographie, que le passage du dessin effectué par l'artiste sur papier report par transfert sur la plaque de zinc et son impression, constituait un travail purement technique qui mettait en jeu le savoir-faire et l'habileté de l'imprimeur dont dépend la qualité de la lithographie." La Cour de cassation conclut que même si elle conserve une trace de l'œuvre, la plaque de zinc, simple moyen technique utilisé pour permettre la production de lithographies, qui sont seules des œuvres originales, ne peut être elle même qualifiée d'œuvre de l'esprit.